Les motivations pour être pour ou contre une énorme communauté d'Agglomération unique rassemblant un territoire identique à celui de l'actuel "Pays Pays Basque" sont multiples et variées en fonction de l'élu local à qui l'on pose la question.
Les raisons invoquées pour répondre oui ou non peuvent être techniques, politiques, culturelles, identitaires, romantiques ou économiques. Et chacun de ces axes se décline souvent en fonction du lieu de vie, de l'histoire, de la mémoire ou de l'âge du citoyen ou de l'élu local interrogé.
Quant à nos grands élus nationaux ou locaux, se rajoutent souvent pour eux des stratégies personnelles et des paris sur le type d'avenir électoral que l'une ou l'autre des réponses pourraient leur ouvrir.
Une alchimie complexe dans laquelle interviennent en plus aujourd'hui des campagnes médiatiques en faveur du oui à l'EPCI unique, portées par des associations clairement politisées (Caravane de "Batera", encarts publicitaires de l'association "Les Gens d'Ici", etc), au financement complexe, public et privé, venu des 2 côtés de la frontière .
Difficile dans un tel contexte de porter une réflexion sereine et dépassionnée. Car défendre une position opposée aux propositions du préfet devient passible d'un procès en diabolisation. Quand cela ne va pas jusqu'à se faire accuser de mettre en danger le calme et la sécurité de notre territoire....
Les élus d'Anglet ont débattu de cette question en Conseil municipal. Ils ont voté à bulletin secret .
Le résultat a été net: 34 voix contre le projet d'EPCI, 4 voix pour et 1 abstention.
J'ai personnellement partagé beaucoup des inquiétudes techniques ou politiques évoquées dans les divers discours, que ce soit en ce qui concerne la gouvernance, les problématiques fiscales ou les compétences déléguées.
Je suis intervenu sur une tonalité moins souvent évoquée: celle de l'Identité, ainsi que celle d'une proposition alternative de découpage du département 64 en 7 EPCI, 3 à l'Est et 4 à l'Ouest du département, s'affranchissant des frontières départementales ou culturelles locales.
Voici le texte de mon intervention:
"Je m’exprimerai ici à titre personnel, en toute indépendance.
Je partage beaucoup des points et réticences techniques exprimés dans la délibération qui nous est proposée. J’apporterai donc simplement un éclairage plus politique et philosophique à ce débat.
J’ai été très interrogé par la rédaction de la délibération qui a été proposée Lundi en Conseil Communautaire.
UN CONSENSUS SUR UNE PLUS GRANDE RECONNAISSANCE INSTITUTIONNELLE DU PAYS BASQUE
On y lisait : « Prenant ses racines dans une revendication ancienne, le besoin d'une meilleure reconnaissance institutionnelle du Pays Basque semble admis par tous ».
Cette affirmation n’est, à mon humble avis, qu’un postulat, le désir de certains, pas celui de tous.
Dans de nombreux lieux de décision locaux, pour beaucoup sans doute aussi au sein de notre conseil municipal, il parait aujourd’hui politiquement correct, voire obligatoire, au sud de l’Adour, depuis des décennies, d’adhérer à cette notion d’identité autour de laquelle on doit construire une forme politique de gouvernance, qu’elle s’appelle département, Collectivité spécifique, communauté d’agglomération ou autre. C’est devenu une sorte de pensée unique.
Il semble stratégique pour beaucoup, qui veulent avoir un présent ou un avenir politique dans notre petit coin de France, de devoir adhérer à ce schéma.
C’est un peu votre cas, Monsieur le maire, quand vous nous dites que vous étiez, que vous restez partisan d’une collectivité territoriale Pays Basque. C’était pourtant le type même de structure qui n’existait nulle part dans le dispositif légal, et qu’il aurait fallu créer de toutes pièces, sur la base de cette prétendue revendication identitaire. Aujourd’hui, vous rejetez l’EPCI proposé, alors que cette structure de communauté d’agglomération est quelque chose de bien défini, de réalisable, même si ce sera une véritable usine à gaz défiant toute logique de proximité.
Un bel exercice de sémantique, permettant d’être pour quelque chose que l’on sait impossible à concrétiser, mais contre ce qui peut devenir gênant puisque réalisable.
Cela nous permettra pourtant, pour une fois, d’être du même avis au moment du vote.
Personnellement, je n’ai jamais suivi ce chemin, au risque de passer pour un idiot, un inconscient, ou même pire : au risque de m’entendre dire que je ne serais pas un démocrate parce que je ne pense pas ce que penserait la majorité (et encore reste-t-il à démontrer qu’il y a une majorité). C’est oublier que toute démocratie ne se nourrit que de l’expression d’une opposition, et que les bonnes solutions ne se dégagent pas des dangereuses et aveuglantes unanimités, mais plutôt des consensus éclairants issus d’avis divergents.
Je n’étais pas pour le département. Je n’étais pas pour la collectivité spécifique.
Alors que la vraie question serait aujourd’hui : « quelle est l’échelle viable, sociétalement et politiquement cohérente, pour regrouper des communes imbriquées dans des contraintes quotidiennes », la question qui nous est posée par le préfet, par le Conseil des Elus, et même par le Président de l’Agglomération, c’est celle de « la reconnaissance institutionnelle du Pays Basque, à même de renforcer son identité territoriale ».
Mais quelle identité et quel territoire ?
Nos prédécesseurs, au sein de ce conseil municipal, avaient pensé que « Ma e pignada per m’ayda » ressemblait à notre identité locale. Ils étaient aussi conscients que notre territoire avait sans doute varié au fil des errances de l’embouchure de l’Adour.
Et que dire de la nouvelle identité proposée à nos voisins boucalais ou bayonnais de St Esprit, encore landais il y a 130 ans !
Oui, il est nécessaire de regrouper des EPCI. Comme il est nécessaire par endroits de créer des communes nouvelles . Mais n’oublions pas que la construction proposée par Mr le Préfet est censée s’appliquer partout dans le territoire national.
Parle-t-on d’identité dans la presqu’île du Cotentin ? Et, ce qui est une sacrée surprise, n’y aurait-t-il pas d’identité béarnaise, vu qu’on propose 8 EPCI aux sujets d’Henri III de Navarre ? L’EPCI unique ne serait donc pas la bonne solution pour toutes les identités ?
Je ne nie pas qu’il existe une identité culturelle basque, ou du moins autant d’identitrés que de provinces basques. Bien sûr il faut tout faire pour la langue et la culture Basque . Il faut tout faire pour les aider à vivre, à se développer. Mais cela suffit-il à justifier d’associer une identité unique à un immense territoire allant du Pignada landais aux pâturages montagnards de Roncal.
Pourquoi , dans le même état d’esprit, ne créerait-on pas un EPCI identitaire autour de l’Occitan Gascon du Bas Adour ? Rassurez vous, je m’y opposerais aussi.
Mais je n’ai aucune crainte en ce qui concerne l’identité gasconne, car dans ce cas, l’EPCI qu’on lui associerait transgresserait les limites départementales, un sujet tabou semble-t-il.
J’ai de tout temps personnellement évité d’employer ce mot d’identité. Même et surtout lorsque je défends les deux langues et des deux cultures régionales qui irriguent ce territoire.
Car je suis persuadé qu’on ne construit pas politiquement une collectivité territoriale sur la base d’une identité sans flirter avec une dérive nationaliste
Ne pas regarder le territoire auquel je consacre mon engagement citoyen comme un territoire identitaire, mais comme un bassin de vie, d’échanges culturels et économiques et de convivialité, cela a toujours été ma ligne de conduite.
Pour moi, le vivre ensemble s’est toujours rattaché à la réalité des bassins de vie, où les échanges quotidiens se sont construits au fil des siècles en fonction des contraintes géographiques mais aussi des capacités de se déplacer ou de communiquer, des routes et des rivières, de la montagne ou de la plaine, de la terre ou de l’océan.
De tout temps à jamais, par exemple, les habitants de Sames, Guiche, Bidache sont allés vendre et acheter au marché de Peyrehorade.
En fonction de cette référence au vivre ensemble au quotidien, je vois sur le territoire qui nous est proposé pour ce nouvel EPCI trois bassins de vie distincts, dont certains débordent, à l’est comme au nord, des limites imposées par l’exercice, les limites départementales.
Et parmi ces 3 bassins de vie, l’un est celui où nous vivons, composé par les 2 SCOTS : le SCOT Sud Pays Basque et le SCOT Agglo Bayonne Sud des Landes.
Dans le même ordre d’idée, toujours pour moi, ce sont 4 bassins de vie qui se distinguent dans l’autre moitié de notre département.
Un regroupement communal en 7 EPCI pour l’ensemble des Pyrénées Atlantiques me paraîtrait la bonne formule. Ce n’est pas celle proposée par le préfet, qui n’en propose qu’un pour l’Ouest du département alors qu’il en propose 8 pour la partie Est. Ce 2 poids 2 mesures, cette négation des bassins de vie réels sont une raison suffisante pour que le vote que je poserai aujourd’hui soit négatif.
Enfin je rappellerai que nous n’avons, en qualité de conseillers municipaux élus en Mars 2014 sur un programme qui n’incluait aucune référence à cette question de regroupement d’EPCI, aucune légitimité pour siéger dans ce nouvel EPCI ? Ni d’ailleurs pour en débattre et donner un avis au préfet…mais cela est une autre histoire…Qui ne dérange ni la CCI ni d’autres structures à qui le préfet n’a rien demandé…
Mais restons sur le strict plan communal. Je pose également la question de la représentation des oppositions municipales, tant dans le Conseil que dans le bureau ou la Commission Permanente du futur EPCI? La proposition du préfet n’y fait aucune référence.
C’est une question essentielle pour moi, conseiller municipal et conseiller communautaire d’opposition. Elle le sera sans doute aussi un jour pour vous, conseillers majoritaires, au hasard des alternances…. Car nous sommes loin d’ëtre à la veille de voir nos élus nationaux et nos gouvernants ouvrir la porte à l’élection directe au suffrage universel des conseillers communautaires."